4/ le voyage
Départ de Montpellier en TGV le jeudi 11 septembre à 7h18, arrivée Paris gare de Lyon à
10h41 Aucun retard, tout est parfait, je prends le bus aéroport qui m'emmène à Charles de Gaule en 1h environ. Retrouvailles avec mon coéquipier et nous prenons enfin l'avion pour Riga en Lithuanie. Décollage à 14h10 et arrivée à 17h50, en réalité nous arriverons à 18h20 sans doute le vent fort de face!
En sortant de l'aéroport pour récupérer la voiture de location, énorme surprise la température a baissé de plus de 10°, le thermomètre indique 7° et évidemment nous ne sommes pas vraiment couverts pour ce temps là. Cela laisse augurer du temps en Estonie…
Première étape de CO la recherche de l'hôtel, le plan fait en France est absolument faux et obsolète et après ½ heure de recherche vaine dans la banlieue de Riga, nous sommes contraints de demander de l'aide, Damien s'en charge et après ¼ d'heure de palabre il revient à la voiture et me guide vers l'hôtel perdu au milieu de rien. Bravo bien joué Damien. Petite inquiétude car aucune voiture devant la porte,
Nous entrons et là nouvelle surprise, c'est superbe, magnifique , totalement neuf et digne d'un 3 étoiles chez nous! L'accueil est des meilleurs et nous nous installons pour la nuit très satisfaits, au milieu de rien nous avons trouvé un palace, la Lithuanie est en pleine expansion.
Nous partons tranquillement chercher un restaurant en centre ville, évidemment nous mangeons des pâtes et ne traînons pas trop en ville car il gèle et il faut se coucher relativement tôt.
Vendredi, réveil tranquille à 9h et petit déjeuner dans une salle pour nous tout seuls avec écran géant qui retransmet du Foot, et oui ici aussi! Le petit déj. comme l'hôtel est somptueux avec beaucoup de choix de salé et sucré à volonté, nous pouvons nous nourrir pour la journée sans souci. Au retour nous reviendrons dormir en ces lieux, c'est certain.
Départ pour l'Estonie, après une petite visite de la vieille ville qui est très jolie avec ses maisons que l'on dirait en carton pâte, repeintes à neuf depuis le départ des Russes, nous voyons bien que le centre s'embellit pour recevoir les touristes espérés et attendus, cela vaut le détour même si c'est tout petit.
La route en bon état est quasi droite jusqu'à la frontière et nous sommes surpris du nombre de personnes que nous croisons à pied marchant sur le bord pour se rendre chez eux dans de petites fermes, pas si proches que cela.
Nous passons la frontière sous un temps très couvert avec un peu de pluie de temps en temps, le paysage change petit à petit, plus de grands champs ni de ferme mais de la forêt immense et très humide.
Enfin, nous cherchons l'embranchement pour le centre de course, première intersection après le hameau, mais pas de panneau indicateur ni de route secondaire, curieux tout de même la carte indique bien une route;, nous ne croisons qu'un chemin de terre et rien d'autre, deuxième partie de CO, demi tour au point d'arrêt, et retour sur nos pas, il n'y a vraiment pas de route alors nous ralentissons en arrivant prés du chemin et là nous voyons une petite pancarte de 10cm x 5cm indiquant Park Karula, Eh oui en Estonie seules les routes principales sont goudronnées , toutes les autres sont en terre battue, nous avons vraiment l'impression de quitter la civilisation.
Apres une vingtaine de kilomètre nous arrivons au village d'Ahijärv, 5 maisons en tout et pour tout. Il ne manque pas d'espace car elles sont très éloignées l'une de l'autre d'au moins 700m, le nombre d'habitants au kilomètre carré est dérisoire dans ce pays.
Nous approchons du lac où se trouve le centre de course , l'accueil est chaleureux et nous constatons que notre drapeau Français flotte au vent avec tous les autres, sympas ces Estoniens! Il est 15h30 mais avec ce temps maussade, on se croirait chez nous en fin d'après midi avec en plus un froid hivernal et un vent glacial, c'est le grand nord ici!
Les tentes sont vites montées dans un endroit un peu abrité en bas de la colline, ceux qui s'installent en haut sont fous ou sont Estoniens et même Russes nous le comprendrons vite, le froid ils connaissent et ne sont pas gênés. Apres un rafistolage au Scotch de ma tente déchirée au niveau du tapis de sol (pas marrant avec cette petite pluie qui commence à tomber), nous partons dîner en ville.
Nos hôtes Estoniens nous indiquent la petite ville la plus proche, en nous disant que peut être nous trouverions un restaurant mais rien ne parait sûr. La route sur terre n'est pas désagréable, elle est en fait moins rapide que nos routes ce qui permet d'admirer la forêt et de croiser des cerfs et biches gambadant dans les sous bois.
La petite ville est en fait un réseau d'immeubles comme l'on peut en voir à la périphérie de nos grandes villes, vraiment pas très beaux, datant certainement du temps de l'URSS. .Il devait y avoir des mines et des usines avec beaucoup d'ouvriers. Nous avons beau chercher, nous ne trouvons aucun restaurant. Rien "nada", ils ne mangent jamais dehors ces gens, seulement un café qui est en fait une maison qui reçoit pour le thé ou le café. Donc changement de programme, nous allons aller acheter nos victuailles au super marché car des supers marché il y en a à tous les coins de rue ou presque. Curieux ce mélange d'ancien et de moderne. Le choix de nourritures est abondant avec des produits inconnus pour nous , un pain noir, non pas foncé mais noir comme du noir, des saucissons roses (en fait ce sera du pâté,) des poissons séchés et du fromage qui n'aura de goût que le nom. Mais des pâtes en salade, voilà qui nous ira très bien avec en plus une boite de haricots blancs pour les sucres lents. Parfait!
Retour à la maison," nos tentes", et troisième CO, heureusement que nous avions observé à l'aller car ces chemins se ressemblent tous et de nuit ce n'est pas évident, Bon après deux ou trois petites erreurs nous avons suivi une voiture qui ne pouvait qu'aller à la course, nous arrivons enfin.
Le repas est pris dehors sous une tente immense de l'organisation, ils avaient encore oublié de chauffer alors nous ne traînons pas et allons vite dormir ou plutôt, essayer de dormir car le froid est très intense et avec en plus le bruit des Américains qui arrivent au milieu de la nuit, cela n'est pas facile. Même lors de mon séjour en Antarctique, étant équipé comme il fallait, je n'avais pas eu aussi froid, j'ai couché tout habillé et rajoutant des couches au fur et à mesure de la nuit; la température est descendue au dessous de 0° un 14 septembre Ah cela explique la Bérézina de notre Napoléon.
Enfin, le jour se lève et nous aussi, moi qui suis un lève tard, là je ne me fais pas prier, debout à 6h, je ne vous parle pas de la toilette même si l'eau est à volonté. Petit déjeuner avec du café bouillant, heureusement qu'ils avaient prévu le café sinon je crois que nous n'aurions pas résisté très longtemps, j'avale en plus du spordej au chocolat avec du lait très bon pour le goût et pour les sucres lents.
Petite promenade qui me permet de repérer le terrain alentour et de constater que la forêt est parfois si dense qu'il est impossible d'y courir.
Bientôt le début de la course.
Le voyage de retour entre Ahijärv et Riga sera un peu plus compliqué à cause de la fatigue. Je prends le volant, ne me sentant pas épuisé après ces 24h de course, mais au bout d'une petite heure de trajet, je me retrouve à gauche de la route, oh la la attention cela devient dangereux.
Je risque de m'assoupir à tout moment donc Damien qui a dormi un peu me remplace et nous ferons la route ainsi une fois l'un, une fois l'autre, mais il nous tarde quand même d'arriver à l'hôtel. Ce sera fait à 18h, le temps de prendre une bonne, plus que bonne, douche très très chaude et nous allons prendre un repas dans un bon restaurant de Riga sans retenue sur la nourriture et accompagné d'un bon vin californien (j'ai honte).
Devinez la suite ….
Retour à notre chambre et dans la seconde qui a suivi nous dormions tous les deux comme deux enfants. Réveil à 9h pour aller encore une fois nous régaler de ce petit déjeuner copieux, avant de repartir vers l'aéroport de Riga où il fait toujours froid mais un peu moins dirait-on. Nous rendons la voiture, l'employé nous faisant remarquer qu'il aurait fallu la laver avant " Mais ce sont vos routes terreuses qui salissent ainsi et nous n'avons pas le temps!" Nous négocions et enfin nous pouvons aller prendre l'avion qui est à l'heure ( 11h30 ) et arrivera à Paris à 13h20
Voyage mis à profit pour faire une première analyse de notre course. Arrivée à Paris, séparation relativement rapide car nous devons prendre le bus pour aller attraper le train du retour à 16h pour nous deux. Le retour en train nous permettra à chacun de refaire notre course et de préparer ainsi la prochaine en 2010 en Russie.
5/ la course
La course ne dure pas 24h comme nous le pensions mais en réalité elle dure 26h car nous avons les cartes à 10h le matin. Nous avons 3 cartes au 40000ème , difficile l'échelle, et nous devons tracer le parcours prévu pour le donner à l'organisation sur une des cartes. Première constatation les 2/3 de la carte sont dans les marais et vus la pluie qu'il a fait durant les mois précédent, cela va être très très humide, ce que nous n'analysons pas immédiatement et nous prévoyons un parcours très long avec une échappatoire vers la fin au cas où nous serions en retard.
Chaque balise rapporte les point de sa dizaine, exemple la balise 56 rapporte 5 points ce qui influe sur le choix de parcours bien entendu. Les puces sont accrochées au poignets des 2 coureurs par un lien incassable.
Après 12h les points disparaissent très vite et après 12h30 mise hors course automatique donc il faut rentrer dans les temps,c'est une obligation pour nous. Nous manquons de temps pour mesurer le circuit prévu car nous devons prendre 45mn pour traduire les définitions de postes qui ne sont qu'en anglais ou russe, le seul défaut dans l'organisation, ils auraient dû utiliser les codes IOF.
Enfin les deux heures passent trop vite à notre goût pour bien appréhender les 61 balises tracées sur la carte avec les courbes de niveau à 5m qui vont permettre des postes très techniques sur les mouvements de terrain. Le réseau de chemin n'est pas très dense mais un impératif pour moi, il faudra éviter de se mouiller les pieds tout de suite car nous devrons tenir 24h et les pieds mouillés sont très fragilisés avec les risques de blessures que cela comporte. Enfin 12h et le départ en masse dans tous les sens évidemment.
1ère Balise la 32 : 16mn pour 1,4 km
Un petit col facile un chemin y mène. Ce sera la seule balise vraiment « cadeau ». Au bout de 500m un conçurent me fait comprendre que ma poche à eau fuit, sympa, mais grosse inquiétude que faire? Impossible de partir sans eau? Je vérifie et constate que ce n'est pas bien méchant, juste le bouchon qui est mal vissé mais" enguelade" de mon équipier qui me traite de débutant! En souriant tout de même.
Balise 21: 24mn pour 2,1km
Un sommet au milieu du jaune donc facile, mais nous devons contourner un lac très profond et 2,1km à vol d'oiseau, les postes à postes sont un poil longs dans les" rogaines". Magie de ce type de course où il existe autant de tracés que d’équipe et grande finesse du traceur, dès la deuxième balise, on se retrouve…seul ! Alors que nous sommes 800 dans la foret.
Balise 20 : 19mn pour 1,4km
Encore un sommet mais avec 60m de dénivelé bien raide en arrivée sur le poste, trop peu payé vu la difficulté physique, nous aurions dû l'éviter.
Balise 55 : 51mn pour 1,3km
Petit rentrant, gros contournement de marais très humide pour ne pas se mouiller, Damien me précède et je lui dis "au bout du petit ruisseau (le point d'attaque) 90° à droite et à 100m la balise doit être bien visible dans le rentrant". Mais Damien confond rentrant et col, il passe sans faire attention au ruisseau.
Je ne dis rien, pourtant je sais où je suis et je sais qu'il faut tourner à droite, pourquoi n'ai je rien dit? Je suis incapable de le dire aujourd'hui encore. Mystère…Mais cette première erreur, nous met en garde au point d'attaque, je dois rester impérativement devant pour ne pas me laisser détourner de mon idée. Nous nous recalons sur le chemin à 250m à l'est et perdons 30mn au moins sur ce poste.
Balise 63 : 50mn pour 2,3km
Un petit col humide entre deux marais qui nous reprend un peu de temps car déconcentration dû à l'erreur précédente et évolution très dans un marécage boueux et avec de nombreux obstacles.
Balise 94 : 1h03 pour 1,8km
Une colline au milieu de beaucoup de colline, et avec pas mal de dénivelé quel que soit l'itinéraire choisi, mais elle vaut 9 points donc il est normal qu'elle soit difficile, je passe sur le versant ouest d'une 1ère colline pour me diriger vers la suivante où se trouve la balise. Mais rien pas de balise, alors j'avance
encore mais je sens bien le coup tordu et ne persiste pas plus longtemps , je décide d'aller me recaler sur le beau champs à 150m au nord de la balise, vite fait et vite trouvée , bon 15mn perdu, ENCORE …
Balise 77 : 38mn pour 1,9km
Une clairière avec un jolie ruisseau comme main courante et nous décidons de prendre les chemins car cette foret est vraiment très difficile à courir entre marais et arbres morts, 7 points vite gagnés, c'est très bon pour le moral de l'équipe.
Balise 54: 36mn pour 2,6km
Une intersection de ruisseau sans difficulté particulière et nous constatons encore que lorsque cela est possible, il faut choisir les chemins comme cheminement, beaucoup plus rapides que le tout terrain.
Balise 72 : 29mn pour 1,6km
Je propose à Damien de faire cette balise, une petite ruine. Il chemine très bien sur de petites sentes pas faciles à voir pourtant et j'en profite pour sortir de la carte et m'occuper de mon sac. La fin de la balise se fait à l'azimut, il part droit sur la balise mais je l'arrête dans son élan (alors qu'il n'est qu'à 50 m de la balise, car je vois une ruine sur notre droite et que je l'entend me parler de champs alors que nous entrons dans un bois) nous farfouillons un peu pour finalement arriver sur la balise. Dommage, la prochaine fois, je m'en tiendrai à ce qui me regarde et je fermerai mon bec. Excuse moi, Damien!
Balise 76 : 45mn pour 3.5km
Petite butte avec un bon cheminement par les champs et les sentes. Les pieds toujours secs après 6h de course ce qui va être déterminant pour la suite. Nous arrivons à 200m du poste et nous devons passé un ruisseau, je choisis de traverser sur un pont de castor pour rester bien sec et là mal m'en a pris… Car
nous allons ensuite galérer de façon pas possible pour progresser dans un marais inextricable en étant trempé jusqu’aux cuisses. Damien chute lourdement à cause d’un tronc qui cède sous son poids et il se cogne le bras contre un tronc immergé. La douleur au bras droit est violente et sera très gênante jusqu’à la fin de la course mais heureusement, ce n’est pas la jambe donc il peux courir normalement. Et voila, pour être mouillés, nous sommes plus que mouillés.
Balise 40 : 22mn pour 1,2km
Clairière côté sud ouest, pas d'autres possibilité que à l'azimut tout droit à travers foret puis le champs, nous passons à côté sans la voir mais comme j'ai bien suivi le mouvement de terrain nous revenons immédiatement dessus.
Balise 84 : 58mn pour 2,6km
Encore une petite clairière qui ne devrait pas poser de problème; pourtant! Pour sortir de la 40, je choisis de traverser un ruisseau où je devine un passage sur la carte, maintenant que nous sommes mouillés, autant aller au plus court mais cela sera une vraie galère car un marais immense nous barre la route. Ce marais est magnifique,
car constitué de boulots morts immergés verticalement et cassés nets, faisant penser à un piège pour animaux fantasmagoriques. Impossible de le traverser et d’ailleurs l’organisation a prévenu sur les dangers de s’aventurer dans ces zones. Nous devons le contourner à moitié dans l'eau et dans la boue, usant et épuisant mais enfin nous trouvons un passage, il était tant pour le moral.
Jusque là, nous avons parfaitement respecté notre tableau de marche en ce qui concerne les balises à ramasser mais nous y avons passé plus de temps que prévu. Et nous avons laissé pas mal de force dans ces terrains si difficiles. Il va donc falloir commencer à shunter quelques balises par ci par là.
Balise 92 : 43mn pour 2,6km
Nous décidons de ne pas aller chercher la 53, qui ne vaut que 5 points et qui nous compliquerai vraiment l'itinéraire pour aller à la 92, d'autant que la nuit est la et que nous devons allumer les frontales.
Un petit marais, je trouve la définition très bonne dans cet univers d'eau et de branches mortes. Nous suivons les chemins et un champ comme point d'attaque pour arriver pile poil sur la balise, c'est la première de nuit et elle est réussie parfaitement, j'y tenais beaucoup pour la suite.
Balise 41 : 54mn pour 3km
Gros problème, Damien n'a plus d'eau depuis plus de 3 heures et commence à peiner sérieusement, n'en pouvant plus, il me demande un peu d'eau mais je me rends compte que je suis aussi à sec. Le gel qu'il vient de prendre lui reste sur l’estomac. L’objectif maintenant est d’aller au point d’eau le plus proche qui se trouve à au moins 5km de route. Il est vraiment mal, alternant marche et course pour ne pas trop
retarder notre progression. Je vois bien sa détresse et je ralenti sans pourtant m'arrêter tant qu’il peut suivre et ne le laisse pas tomber ce qui l’encourage encore plus à se faire violence. Damien me dit: "Je ne suis pas spécialement fatigué et encore moins essoufflé mais je suis à sec! Plus une goutte d’essence dans le moteur. Je quitte l'itinéraire du point d'eau pour aller chercher la balise, allongement de 600m pour aller au point d'eau, Damien ne dit rien, pourtant je vois qu'il souffre.
Mais alors que nous sommes engagés vers la balise, nous traversons un terrain avec une maison dans laquelle un chien aboie. Et me voilà qui hésite, et qui n’avance plus ! Non, mais sans blague, il ne va quand même pas faire demi-tour, se dit Damien et m’avoir fait rallonger pour rien ?! Cela lui redonne quelques forces, il passe devant, vise le coin du champ qui permet d’arriver à la balise qui est en fait une tour de 20m de haut qui se voit de loin car elle est éclairée par la pleine lune. Je suis sans rien dire, poinçonne, et lui dit qu'il est "gonflé" ! Et bien quoi, ce n’est pas un chien-chien qui va nous arrêter quand même, répond il et s'il nous avait attaqué, je l'aurai mordu encore plus fort que lui (pour un dentiste, cela fait sourire).
Balise 74: 1h10 pour 1 km
Enfin le point d’eau !!! Nous buvons goulûment une eau plus que fraîche, d'ailleurs la température est en dessous de 0°, difficile de ne pas avoir froid en étant arrêter. Nous mangeons une ou deux barres énergétiques, quelques fruits secs et de petits saucissons bien salés, nous rechargeons poches à eau et bidons pour Damien et 17mn plus tard , nous voila repartis en pleine forme.
Damien part en toute confiance vers la balise suivante pour laquelle le chemin à suivre lui semble évident.
J'ai mis un peu plus de temps à repartir, le rejoint et lui dit que je ne la sens pas cette balise. Nous nous mettons d’accord sur l’azimut à suivre, mais je suis pas très bien, j'hésite et ne comprend pas bien le terrain. Ah, j'ai horreur de ce genre de situation, je n'ai pas eu le temps de regarder l'itinéraire, après avoir traversé un rentrant broussailleux, Nous voilà revenu au départ, nous venons de faire un 180 et retournons vers le point d’eau. Jamais on ne comprendra vraiment ce qui s’est passé. Ce qu’il y a de certain, c’est que Damien est parti beaucoup trop vite, heureux d'avoir bu.
Je regarde la route à suivre et effectivement je constate qu'il faut attaquer la balise par l'autre côté car le marais sera un point d'attaque idéal et impossible à rater le poste en bout de marais côté nord entre les collines. Aussitôt, nous y allons sans problème et encore du temps de perdu…
Balise 93 : 49mn pour 3,2km
Petit instant de doute après une telle bêtise, mais le long chemin roulant qui mène à la balise suivant nous permet de ressouder l’équipe et de parler…de la vie ! Moment de confidence rare où la carapace de tortue de mon équipier pourtant si hermétique d’habitude aux confidences intimes va se lézarder un peu. J'écoute et comme souvent dans pareille situation, nous nous déconcentrons un peu mais après un rapide recalage, et une lecture de carte très fine (pour une fois!) nous trouvons la balise à 9 points invisible en haut de cette colline. Elle nous requinque bien.
Balise 52 : 1h pour 2km
Il faut chercher un ruisseau, encore une fois très drôle, car des ruisseaux,il y en a partout et en plus nous avons droit à quelques gouttes de pluie. Le chemin parait facile mais nous aurons beaucoup de difficulté
pour avancer dans les troncs couchés et les herbes hautes et franchir les ruisseaux pleins d'eau.
Nous arrivons au poste un peu surpris d'y être, parfois un peu de chance arrange bien mais il faut quand même la provoquer la chance. Nous décidons au vue de l'heure, minuit et quart, de changer notre route
en sautant les postes vers le sud-est pour remonter vers le nord.
Balise 50: 1h53 pour 3,5km
Très long poste à poste, car sur le terrain il faut contourner les marais infranchissable et aller au point d'eau pour faire le plein, en fait la distance doit approchée les 6km. Je propose à Damien de faire la balise, une intersection de ruisseau dans le marais. Il fait un pécher d’orgueil, alors que je le mets plusieurs fois en garde contre un tout droit hasardeux qui nous fait gagner que peu de distance, il le fait quand même, besoin de s'affirmer, je le comprends. Et… nous nous perdons. Je nous ressors de ce mauvais pas et je prends sur moi pour rester…zen ! Damien se dit qu’il faut absolument ramasser cette balise pour « effacer » sa bêtise. Il attaque le poste de façon tout à fait différente et tombe dessus sans problème. Ouf ! Nous avons encore perdu un peu de temps mais on a la balise ! Il décide alors de ne plus intervenir et de décliner les offres que je pourrais lui faire de prendre les devants.
Balise 51 : 48mn pour 2km
Petite dépression, nous traversons une immense tourbière magnifique avec une ligne droite de 2km, j'adore cela, les machines paraissent des monstres préhistoriques sur cette terre d'un noir d'encre éclairée par un ciel étoilé.
Au bout de ce chemin pavé de grandes dalles en ciment, un ruisseau profond oblige à un détour puis tout droit dans la pente difficile et tortueuse nous mène directement à la balise.Quelle ne fut pas notre surprise de voir 4 ou 5 personnes couchées à même le sol sous leur couverture
de survie pour une petite sieste réparatrice. Dans ce froid, ils sont fous ces nordiques.
Balise 61 : 24mn pour1,6 km
Un sommet pas très haut heureusement, où nous allons sans difficulté particulière mais en partant nous revenons à la balise une seconde fois, manque de lucidité, la fatigue se fait un peu sentir.
Balise 71 : 1h25 pour 3,5km
Nous allons chercher un rentrant à l'orée d'un bois. Un nouveau passage dans les marais va entamer ma résistance, à l’approche du jour, je ressens des signes de fatigues évidents et une douleur à la cheville qui se réveille. Pourtant une merveilleuse vision, un jeune loup tout droit sorti de la brume, me fixe quelques secondes avant de fuir à toute vitesse. Qui a eu le plus peur lui ou moi?
Cette fois, c’est à mon équipier de me soutenir et de m’encourager. Je peine et Damien se relance dans un long monologue pour faire passer le temps dans un très long poste à poste sur chemin, le plus long de la course me semble t'il avec ses 5km. Je ne suis plus la carte sachant que l'intersection de chemin prévue me permettra de me recaler et mon ami veille bien entendu. Le poste est trouvé et nous voila parti vers le suivant dare-dare.
Balise 90 : 26mn pour 0,82km
Un cheminement sur chemin et un azimut précis nous emmène au poste très peu visible au fond du rentrant étroit, le lecture du terrain a été très bonne sur ce coup dont je suis très fier car trois équipe sont en train de jardiner depuis un long moment dans le coin. Ma boussole me parait magique. Et Damien est tout heureux.
Balise 70 : 38mn pour 1,8 km
Le sommet est superbe dominant un des plus beaux lieux de la course avec ses abris en bois au bord du grand lac aux vagues puissantes et bruyantes dans le calme de l'aurore. Dernier point d'eau pour nous, où nous ravitaillons avec soupe froide au poulet, fruits secs, saucisses, pâte d'amande, etc. Nous faisons le plein d'eau prêt à repartir bien ragaillardi sous le regard des pêcheurs locaux qui vont aller taquiner les poisons du lac.
Maintenant, ce sont les pieds de Damien qui montrent des signes de faiblesse. Il enlève les chaussettes pensant qu’il y a des petits cailloux dedans ! Que nenni ! La sensation de gratouillis qu'il a, est du en fait à deux énormes ampoules au niveau de la plante des pieds ;-((( Inutile de se lamenter, il remet les chaussettes et on repart. Et oui les pieds mouillés…
Balise 56 : 1h37 pour 4,2km
Très long poste à poste car nous avons décidé de shunter les balises 46, 82 et 44.
Le jour est levé, et il faut être lucide. Nous n’aurons pas le temps d’explorer la partie sud et sud-est de la carte. On va donc utiliser les dernières heures de course pour rentrer au plus vite tout en essayant de prendre encore des balises.
Ce petit nez de terre ne nous semble pas bien difficile pour 5 point tant mieux car après cette longue tirée en courant la fatigue se fait un peu pesante et nous devons rester lucide , il reste 4h30 de course.
Balise 43 : 28mn pour 1,2km
Un minuscule rentrant dans le micro relief mais la carte est si précise que même à cette échelle, elle reste parfaitement lisible et compréhensible avec une bonne loupe.
Balise 37 : 40mn pour 2,8km
Petit col dans le marais, les sentes sont difficiles à repérer et il est vrai que les bosses permanentes sont usantes et harassantes à l'heure qu'il est, mais pas de problème même si nous n'allons pas vite en courant nous avançons toujours.
Balise 75 : 1h13 pour 3km
La balise est en haut d'un rentrant en pleine foret marécageuse, je ne vois pas de route évidente en lisant la carte au sorti du bout de chemin qui va à la moitié de la distance du poste. Une sente pourtant parait être la solution mais en fait elle est quasi infranchissable, encombrée de vielles souches, de fougère, une tourbière où les chevilles se tordent sans arrêt dans 20cm d'eau, une vrai galère et le temps qui passe, qui passe, nous n'avançons pas sur ce terrain pourri mais il faut continuer? Je ne vois pas d'autres issues. Une grande immense rivière à l'approche du poste que nous traverserons sur un barrage construit par les castors et repérés grâce à deux équipes que nous trouvons sur les lieux.
Très gentil, Damien me fait remarquer qu'il est presque 10h du matin donc 22h de course et je n'ai pas fait la très grosse erreur promise avant le départ, l'erreur grossière, impossible, débile ce que l'on appelle dans notre jargon: " le pétage de plomb". Si proche de l'arrivée, Damien n'y croit plus du tout
Balise 23 : 1h33 pour3,2km
Nous partons à la balise 47 nord-est, avec les deux autres équipes devant nous, azimut pour vérifier la route et nous courons tranquillement vers le poste.
Damien suit derrière à distance et je file devant, sur de moi, mais il pense que quelque chose cloche et ne comprend pas où je vais. Comme il est intervenu à tord à plusieurs reprises, il n’ose pas trop m’arrêter car j'ai vraiment l’air sur de moi. En plus, il est physiquement très entamé et il met son incompréhension sur un manque de lucidité.
Le temps file, et il cherche vainement à saisir ce que je fais . Deux fois, il m'arrête pour que je lui montre, comment il faut utiliser la boussole pouce et que je lui explique mon choix; les deux fois il fait semblant de comprendre.
Je suis absolument sûr de moi et je me dis que ce doit être la fatigue qui l'empêche de comprendre car il n'est pas idiot d'habitude.
Un truc cloche vraiment pourtant car je lui dis qu’on est sur le chemin qui file NE pourquoi sa boussole lui dit que l’on marche NO ??? Après une nouvelle remarque de sa part qui m'agasse quelque peu d'ailleurs, je m'arrête, je blêmis et je cris : « Ca y est, je l'ai faite ma grosse cagade! Je suis un véritable idiot, un moins que rien, c'est pas possible et je répète au moins 100 fois c'est pas possible»
Le problème est tout simple; j'ai aligné ma boussole sur les lignes bleues qui partent…plein est (les lignes de marais) qui ressemblent à des lignes de nord, sauf que sur la carte des "rogaine", le nord est représenté par des lignes vertes. Ah! L'horreur 20mn que nous courrons dans une mauvaise direction. Et comment me retrouver maintenant, je suis décomposé, incapable de réfléchir,de corriger mon erreur, je ne sais plus que faire où aller, et le temps qui passe . Je me dit: " c'est pas possible je n'ai pas emmené mon équipier jusqu'ici, je ne lui ai pas fait faire tout cela, je ne l'ai fait souffrir pour être mis hors course à cause de moi en fin de parcours, NON"
Je pense que je n'ai jamais été aussi déconfis de ma vie et Damien me dit:"c'est pas grave on va se recaler, t'inquiète pas". Je m'en veux vraiment une erreur grotesque, une erreur même pas de débutant, une erreur impossible…et là je sors vraiment de la carte pourtant il faut se recaler au plus vite.
Damien passe donc devant et fonce vers le point de recalage que nous avons quand même repéré, aidé par une équipe russe. Nous revenons en arrière, seule solution en espérant ne pas être obligé d'aller jusqu'à la balise précédente? Nous avons marché NO donc nous devrions trouver une intersection de chemin à 400m environ et en, partant plein nord obligatoirement retrouver notre route ou au pire le lac du départ mais auront nous le temps de rentrer à temps?
Il me précède et court devant moi sans traîner la patte, je vous promets. J'ai du mal à suivre, non pas à cause du physique mais le cerveau est englué dans ses questions existentielles. Je pense que ce fut la plus longue ½ heure de ma vie de course dans les bois avec ce chemin qui n'arrivait jamais. Mais que ce fut long long long…Enfin le chemin est la et je n'y crois pas encore, si ce n'était pas le bon et que nous partions encore plus loin?
Je pense que sans mon équipier, j'étais complètement fichu à ce moment la. Je finis quand même par reprendre mes esprits complètement à la vue de la balise 23 sur la butte et oui nous avons du laisser de côté toutes celles prévues avant l'arrivée.
Damien s'en veut car il avait raison et n’a pas osé m'arrêter. Or, c’était son boulot de rester en appui derrière moi et de me soutenir en cas de problème. Mais là il se disait, qu'il avait voulu trop aider avant, souvent à tord pensait il et au moment où il aurait eu un rôle important à jouer, il ne l’avait pas fait ! Il a tord de s'en vouloir car il l'a quand même fait sinon nous serions jamais arriver à temps
Avec le recul, nous nous dis que c’est encore de l’expérience d’emmagasinée et que cela nous servira dans nos prochaines aventures.
Arrivée: 20mn pour 1,3 km
Bien remis je propose à mon sauveur d'aller faire une autre balise avant de rentrer quitte à jouer avec le feu mais il est complètement épuisé et ne veut pas risquer un sprint pour arriver, donc il me demande de rentrer tranquillement à la base, fort de nos 159 points! 29 balises sur 61 possibles.Je ne peux qu'acquiescer et nous rejoignons l'arrivée au pas de course, et oui après 24h de course, nous pouvons encore courir ce qui prouve que l'on pouvait faire mieux et aller plus vite.
Conclusion
Je laisse la conclusion à mon équipier et ami en le remerciant de tout mon cœur de m'avoir permis de vivre cette belle aventure avec lui. Je remercie aussi mon épouse et mon collègue de travail qui m'ont soutenu ainsi que Frédéric Deltombe de Air-Xtrem pour le prêt de matériel sans oublier mon copain Martin.
L'organisation était parfaite et très bien rodé, , à chaque poste il y avait les confettis mais qui plus est, sur chacun d'eux le numéro de la balise et oui!
Les deux remarques négatives : pas de définition de poste en IOF et la pénétrabilité du terrain n'était pas indiqué sur la carte ce que nous savions à l'avance quand même.
Damien a écrit :
Nous avons réalisé 64 km à vol d’oiseau, soit environ 90 bornes en réel, sur des terrains parfois très durs. Nous sommes 150ème au scratch, 92ème en masculin et 34ème en vétérans.
Franchement, on était venu pour faire mieux, mais en y réfléchissant, vu le niveau de la course, vu notre manque d’expérience et notre méconnaissance totale du terrain, ce n’est pas si mal que ça.
Et on fini… premier français ! Ce n’est pas dur, on était la seule équipe française ;-)
Des paysages rudes mais magnifiques, un ciel étoilé de pleine lune magique et une expérience en orientation extra-ordinnaire dans les pas d’un très grand orienteur (pas d'accord avec lui evidemment).
L’organisation est d’un niveau que je n’avais jamais vu. Tout était parfait : les bénévoles, la carte, le tracé, l’accueil. Aucun grain de sable. Ce sont vraiment de grands pros !
Mais, le principal est que j’ai encore vécu une expérience humaine unique avec 24h de course, seul en permanence avec mon coéquipier. Merci Christian !!!
D’ailleurs, RV est déjà pris pour 2010 en Russie ou en Tchéquie et qui sait peut être en France bientôt …